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Il est le mieux placé pour décortiquer les difficultés que connaît le secteur de leasing tunisien et proposer les mesures adéquates à mettre en place par les autorités pour redresser la situation. Hichem Zghal, Directeur Général de Tunisie Leasing & Factoring, leader de ce secteur, nous a accueilli dans son bureau pour dresser l'état des lieux du secteur, ses problèmes mais aussi les discussions avec la BCT pour mettre en place une solution idoine aux sociétés de leasing. Interview.
Parti en France en tant que boursier de l'Etat tunisien, Hichem Zghal a fait les classes préparatoires avant d'intégrer l'Ecole Centrale de Paris où il obtient un diplôme en Mécanique des structures. Il a travaillé pendant trois ans en France avant de décider de rentrer en Tunisie en 1993 pour intégrer un bureau d'études. "J'ai essayé de m'adapter et de choisir des choses qu'on peut faire en Tunisie mais après trois ans j'ai compris qu'il fallait que je change de secteur et de métier".
Venu un peu par hasard au secteur financier, M. Zghal a eu en 1997 une proposition de la part de M. Ahmed Abdelkefi, fondateur du Groupe Tunisie Leasing, pour intégrer la société et s'occuper d'un nouveau département fraîchement mis en place qui est le département Engagements et Risques. "Il m'a donné le temps qu'il faut pour comprendre le métier et mettre en place l'organisation. J'ai appris le métier chez Tunisie Leasing et j'ai eu la chance de cumuler les fonctions Crédit et Recouvrement (amiable et contentieux) où j'ai confronté la réalité des dossiers de l'entreprise. Un processus très fructueux qui s'est poursuivi jusqu'à aujourd'hui".
L'analyse des dossiers qui tombent en défaut a permis à Hichem Zghal de comprendre l'évolution des secteurs et du marché et l'a aidé à mettre en place la politique d'octroi des crédits et celle des risques d'une manière générale. Après avoir pris les fonctions de DGA pendant plusieurs années, il s'est vu confier en 2017 le poste de Directeur Général de Tunisie Leasing & Factoring.
Malgré la crise, le secteur du leasing fait preuve de résilience
Selon M. Zghal, le secteur du leasing tunisien a évolué sur les 20 dernières années sur des bases solides dans son ensemble. Les PME ont beaucoup aidé au développement du secteur du leasing. "Le développement de la PME tunisienne a permis l'émergence de plusieurs opérateurs de leasing qui ont hissé la Tunisie aux premiers rangs des pays les plus avancés en matière de leasing en Afrique".
Sur les dernières années, même les nouveaux opérateurs du marché ont pu faire leur apprentissage et se développer sur des bases solides. "Le secteur dans son ensemble a fait preuve de résilience ce qui lui permet de faire face aujourd'hui à la conjoncture économique difficile", affirme M. Zghal.
Assurer le refinancement, le gros challenge des sociétés de leasing
La résultante du contexte actuel est la baisse conjoncturelle de la marge sur les nouveaux crédits ainsi que la baisse des volumes, due principalement à la baisse de la demande qui provient essentiellement des PME, explique M. Zghal.
"Le challenge pour nous est de continuer à assurer le refinancement pour pouvoir répondre à la demande dans un contexte où le marché obligataire devient difficile pour plusieurs raisons : les banques ont des contraintes qui les empêchent de financer les sociétés de leasing comme elles le faisaient avant, les ressources extérieures sont devenues plus chères ... Par conséquent, pour pouvoir permettre au secteur de leasing de jouer pleinement son rôle, la BCT a pris les choses en main".
Toutefois, M. Zghal ne pense pas que le secteur est menacé dans sa pérennité et ce, pour plusieurs raisons dont la solidité des fondamentaux des compagnies de leasing affirmant que ce qui est en train de se produire aujourd'hui n'est qu'une baisse conjoncturelle de la rentabilité. "Lorsqu'on a moins de ressources, on vend moins mais on vend quand-même. Les revenus des sociétés de leasing sont générés par leurs portefeuilles des années précédentes. En effet, on ne peut parler de risques majeurs pour le secteur que si la crise perdure pendant 3 ou 4 ans et qu'elle se traduit par une baisse des volumes ou des marges de manière continue », estime M. Zghal.
Les discussions se poursuivent avec la BCT
Conscientes de l'état des lieux, du challenge et des difficultés que rencontrent les sociétés de leasing, les autorités de tutelle continuent à travailler pour mettre en place une solution idoine aux entreprises. "Je ne pense pas que l'Etat laisserait faire chavirer le secteur pendant des années", estime M. Zghal.
Sur le volet refinancement, dit-il, les opérateurs du secteur ont entamé des discussions avec la Banque centrale pour assouplir la réglementation en matière des financements bancaires destinés aux sociétés de leasing. "La solution serait de permettre aux banques de refinancer les emprunts qu'elles accordent aux sociétés de leasing en utilisant les mêmes mécanismes auxquels elles ont droit pour le financement des PME".
Etant donné que les banques peuvent se refinancer auprès de la BCT quand elles financent directement les PME, ce que demandent les sociétés de leasing c'est quand les banques financent ces mêmes PME d'une manière indirecte, elles auront aussi la possibilité de se refinancer auprès de la BCT. Ce qui permettra aux sociétés de leasing de continuer de financer leurs clients".
Dans ce cadre, M. Zghal a fait savoir que la BCT est en train d'étudier cette proposition. "Je reste très optimiste quant aux mesures qui seront prises par la BCT au profit du secteur. Ces mesures sont incontestablement nécessaires pour préserver l'économie dans son ensemble". En outre, la BCT est appelée à prendre des mesures d'accompagnement et à apporter quelques ajustements réglementaires pour pouvoir assurer à sa politique monétaire plus d'efficacité.
Sur le volet Marge, M. Zghal tient à rappeler que les textes relatifs aux taux excessifs ont été faits pour protéger le consommateur et les entreprises qui font recours aux crédits. Selon lui, ce mécanisme devient contre-productif pour l'économie e et met en difficulté le secteur du leasing qui est en train de subir un effet ciseaux. "Lorsqu'on veut répercuter la hausse des coûts des ressources on est rapidement rattrapé par le taux excessif et on se retrouve avec des marges insuffisantes pour assurer une rentabilité sur le long terme", s'indigne M. Zghal.
Au regard du coût de risque qui peut être généré sur une certaine typologie d'entreprises, le risque devient plus prenable. "Il est connu aujourd'hui que lorsque le taux pratiqué ne permet pas de couvrir le risque sur une entreprise, le bailleur de fonds peut être amené à refuser un crédit parce qu'il va lui générer des pertes. Alors que s'il avait la possibilité de le vendre plus cher pour couvrir ce coût du risque, tout le monde serait gagnant", estime M. Zghal.
Bien qu'il soit nécessaire pour le consommateur, ajoute M. Zghal, les entreprises n'ont plus besoin du dispositif du taux excessif puisqu'il devient un frein qui favorise l'exclusion dans un marché très concurrentiel. "Si le législateur décide de fixer des taux, il devrait fixer des taux suffisamment élevés pour ne pas exclure les sociétés à haut risque et pour lesquelles le problème primordial n'est pas le prix mais plutôt l'accès au refinancement".
Tunisie Leasing & Factoring et le recours à la dette
Pour le secteur financier, le régulateur a fixé le minimum des fonds propres à 10% et les fonds propres de base à seulement 7%. Dans les métiers financiers, il est admis que le levier pourrait être très important. "Notre politique est de ne pas se contenter du niveau réglementaire des fonds propres, on aimerait toujours avoir un matelas de plus, et donc un levier moins fort et je considère qu'un levier de 5 à 6% est tout à fait acceptable au regard de la spécificité de nos activités", estime le DG de la société.
Tunisie Leasing & Factoring est principalement concentrée sur le littoral mais elle a fait des percées pour aller au Sud et au Sud-Ouest. "Nous essayons de développer notre fonds de commerce sur ces régions-là. D'ailleurs, la ligne obtenue auprès de la BERD sera destinée au financement des besoins des entreprises dans ces régions".
2018, une année plus qu'honorable pour Tunisie Leasing & Factoring
En dressant un état des lieux des métiers, M. Zghal estime que l'activité du factoring et celle de la location longue durée se sont bien développées en 2018 contrairement à l'activité de leasing. "Nos opérations en Algérie continuent à se développer convenablement sur des bases solides. Nous gagnons en termes de part de marché et de production. Alors qu'en Afrique subsaharienne, nous avons eu quelques soucis dus principalement à des éléments exogènes. Nous avons mis en place un plan de restructuration et une stratégie pour redresser la situation".
Dans l'ensemble, dit-il, 2018 a été une année plus qu'honorable au regard de la conjoncture économique difficile. "Il serait illusoire d'avoir un contexte économique difficile et des établissements financiers qui continuent à afficher des résultats en nette croissance", conclut M. Zghal.
Propos recueillis par Ismail Ben Sassi
Publié le 14/04/19 20:13
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